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Le 12 décembre, le Parlement indien, contrôlé par le parti nationaliste BJP, a voté une réforme de la loi sur la citoyenneté de 1955, qui introduit pour la première fois des critères religieux dans l'obtention de la nationalité. Les musulmans, bête noire du parti au pouvoir, sont visés. Depuis, les manifestations se succèdent dans le pays, dénonçant la gravité d'une loi jugée discriminatoire et anticonstitutionnelle. Le sécularisme garantissant un relatif équilibre dans ce pays aux multiples communautés religieuses est menacé.

Deux semaines de mobilisation contre le bidouillage de la citoyenneté indienne par les nationalistes hindous

Les jours passent et les mobilisations de masse rassemblent toujours autant d’indien·es. Le 18 décembre, c'est le parti communiste du Bengale, le Communist Party of India (Marxist) CPI (M), qui a appelé ses sympathisant·es à prendre la rue. Le long de l'AJC Bose Road, une des plus grandes artères de Calcutta, une foule compacte a défilé, arborant pour certain·es le drapeau rouge fiché de sa faucille et de son marteau. Une réponse à la manifestation d'ampleur organisée quelques jours plus tôt par le parti au pouvoir dans l'Etat, le All India Trinamool Congress (TMC). En tête du cortège de plusieurs dizaines de milliers de personnes, Mamata Banerjee, l'actuelle ministre du Bengale et fossoyeuse des communistes aux élections de 2011, s'est voulue au premier plan de la contestation contre la loi sur la citoyenneté qui secoue actuellement l’Inde tout entière.

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​Les nationalistes du BJP jouent avec la citoyenneté indienne

 

L'été dernier, le Bharathiya Janata Party (BJP) a remporté une seconde fois les élections nationales. Fort de sa nouvelle majorité absolue au Parlement, le Premier ministre de l’Inde, Narendra Modi a dorénavant les mains libres pour dérouler son programme ultra-nationaliste, réduisant la nation indienne à une stricte hindouité, quitte à fouler au pied le sécularisme du pays garanti par la constitution. Son ministre de l'intérieur, Amit Shah, a lancé les hostilités législatives le 9 décembre dernier. Approuvé le 12 par le Parlement, le Citizenship Amendment Bill (CAB) a provoqué la colère d’une partie de la population et notamment celle de la minorité musulmane, ciblée par cette nouvelle loi. 

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Un passe-droit religieux et des citoyen·es de seconde zone

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Obtenir la nationalité indienne sera facilité pour tous les étranger·es venant du Bangladesh, d’Afghanistan et du Pakistan fuyant les persécutions religieuses, à l’exception des musulmans et des athées. Et c’est bien là le cœur du problème : c'est la première fois dans l'histoire de la République indienne qu'un critère religieux discrimine l'accès à la nationalité. Dorénavant, hindous, chrétiens, jaïns, sikhs, parsis et bouddhistes présent·es sur le territoire avant décembre 2014 pourront prétendre à une naturalisation accélérée. Pour obtenir la citoyenneté, ils devront justifier de six ans de résidence en Inde au lieu des douze ans nécessaires pour les autres sans papiers. Selon les estimations du gouvernement central, la mesure concernerait 31 000 personnes. En revanche, c'est un signal très clair envoyé aux musulmans du pays, bête noire du BJP, qui représentent tout de même 14,2 % de la population (soient 172 millions d'Indiens). 

 

Bonjour les tensions communautaires

 

À Delhi, Bombay, Bangalore et dans les grandes villes du pays, d'énormes manifestations ont suivi l’annonce du vote de la loi, sans que le pouvoir infléchisse sa ligne. Dans les États contrôlés par le BJP, la répression du mouvement a été brutale. Le 21 décembre, on dénombre déjà 24 morts. La police a tiré à balles réelles à différentes occasions. Dans plusieurs régions, le réseau internet mobile a été coupé par le gouvernement et de nombreux couvre-feux ont été proclamés dans certaines villes, notamment dans le Nord-Est indien. 

 

A l’inverse du reste du pays, les manifestant·es de l’Assam, proche de la frontière avec le Bangladesh, protestent contre l’accès des migrant·es bengladais hindous à la nationalité indienne. Cette loi réanime en effet les vieux réflexes xénophobes envers cette communauté. De 1979 à 1985, ceux-ci ont été victimes d’exactions de la part de la population assamaise : la région a été marquée par des émeutes au cours desquelles 885 personnes ont péri.

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La Commission Onusienne des droits de l’Homme a réagi en qualifiant cette loi de “fondamentalement discriminatoire”. Cinq des 29 chefs d’Etats indiens ont déclaré refuser catégoriquement son application sur leur territoire. Pour les opposant·es au CAB, la voie juridique reste la seule encore capable de le bloquer. La Cour Suprême, la plus haute juridiction du pays, doit rendre son avis en janvier prochain sur son caractère constitutionnel ou non.

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Décembre 2019, Calcutta

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"Quelle farce : notre Premier ministre ne peut pas prouver

ses diplômes mais exige des pauvres de prouver

leur citoyenneté avec des documents vieux de

plusieurs décennies! Rejet "

Pancarte trouvée dans le ce centre de Calcutta,

décembre 2019, A.L, M.S.

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Manifestation du TMC sur Nehru Road, Kolkata, dec 2019, A.L, M.S.

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